Pourquoi mon ostéo me dit de ne rien faire après son traitement ?

La question épineuse… pourquoi ? Parce qu’après avoir fouillé sur Google et plusieurs sites d’ostéopathes, retourné les bases de données scientifiques PubMed, ScienceDirect et Pedro, et demandé l’avis de quelques ostéopathes… on trouve enfin… un incroyable VIDE ! 🤷‍♀️

On va essayer de raisonner sur le peu que l’on “trouve” et essayer de réfléchir un peu… 🤔

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Sur le site de osteodoc il est possible de lire :

Laissez votre corps se reposer et guérir. Bien que votre corps ait retrouvé un état de fonctionnement plus normal, il n’est pas encore guéri. La guérison prend du temps. Traitez votre corps avec respect. Évitez toute activité intense, en particulier les mouvements brusques, pendant un ou deux jours après chaque traitement.

Traduction de Osteodoc.com : After Your Treatment – Lu le 29/09/2019

On ne trouve aucune explication de pourquoi éviter les mouvements brusques pendant un ou deux jours. S’il y avait une lésion réclamant une cicatrisation, les manoeuvres forcées à haute vitesse ne risqueraient-elles pas de les aggraver ? Curieux, non ?


Evitez les activités physiques dites « brutales » (le corps a besoin de temps pour enregistrer toutes les informations reçues lors de la consultation avant de lancer son adaptation. Les activités physiques éprouvantes pour le corps sont donc à proscrire pendant 24h au minimum, l’idéal étant de 48 à 72h).

CYCL’OSTEO : Que faire après une séance d’ostéopathie ? – Pierre-Louis BILLANT – Rédigé le 25/03/2019 – Lu le 29/09/2019

Curieusement, les sportifs, comme les vedettes des grands clubs de football, semblent s’en affranchir de ce délai pour retourner s’entrainer ou aller en match. 💪

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Le corps a besoin 2 à 3 jours pour intégrer les informations passives ? Par quels mécanismes ?

Peut-être est-il question de la plasticité cérébrale ? Cela correspond à la capacité des neurones dans notre cerveau à remodeler leurs connexions face à une stimulation ou un changement. Mais que quels changements parle-t-on ? De la représentation du schéma corporel ? De la proprioception (perception de notre position dans l’espace) ?

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La piste proprioceptive est en effet celle avancée par le site osteopathiemontpellier.fr :

En libérant des tensions corporelles, la posture et la proprioception (perception fine de son corps dans l’espace) doivent se réajuster à ce nouveau schéma corporel.
C’est pour ces raisons qu’on peut se sentir très fatigué après une séance, avoir des courbatures, voir apparaître une légère aggravation du symptôme avant son amélioration.

Que faire (ou pas) après une séance d’ostéopathie ? – Caroline Zumbihl – Rédigé le 09/12/2014 – Lu le 29/09/2019

Ce temps pour ré-intégrer à nouveau le schéma corporel sain (donc supposé habituel…) suppose que l’on est pu mémoriser au préalable un mauvais schéma. Or, quand on consulte en aiguë (sur un problème présent depuis moins de 3 mois), par exemple une douleur cervicale au réveil, le jour même, a-t-on réellement fait cette opération ?

Pour rappel, les courbatures font suite à un exercice physique d’intensité inhabituelle. Un traitement manuel passif, à moins de créer de micro-lésions musculaires, ne peut pas générer de courbatures. Que faut-il conclure ? Est-ce vraiment des courbatures, ce qui soulève des questions sur l’innocuité du traitement… ou est-ce autre chose, mais quoi ? Encore une fois, on tombe sur un vide de réponse…


L’effet rebond

Sur CYCL’OSTEO il est aussi question d’un effet rebond de la douleur, mais nous rassure :

Il ne faut pas s’inquiéter et attendre que votre corps s’auto-régule. Votre corps doit intégrer toutes les nouvelles informations transmises par le traitement ostéopathique. Et cela demande du temps ! Suite à votre consultation, la douleur va diminuer progressivement sur 30 jours, mais c’est dans les 72 premières heures que cette diminution sera la plus importante.

Voltaire

Savez-vous en combien de temps cicatrisent des lésions des tissus mous telles que les entorses de cheville sans rupture (ne nécessitant pas d’importants traitements médicaux) ? La réponse est TROIS SEMAINES, soit une vingtaine de jours donc TROIS À CINQ DE PHASE INFLAMMATOIRE !

On aurait alors envie de rappeler Voltaire : “L’art de la médecine consiste à distraire le malade pendant que la nature le guérit”…🍀

Moralité, un problème sans gravité, cicatrise généralement de lui-même.


Le mot de la fin :

En bref, il est commun de voir cette tradition de demander de ne rien faire pendant 2 à 3 jours (voir 1 mois selon les sources). Mais les explications sont très vagues pour les rares existantes, et amènent à plus de questions que de réponses. Bref, les fondements sont très fragiles et aisément réfutables, dignes d’un catalyseur à placebo / effet contextuel (ex : « attendez, ça va marcher »). 🦄

Le risque de ce genre de recommandations est d’amener le patient vers une peur du mouvement (ou kinésiophobie en jargon médical).😱

Par ailleurs, cela laisse le temps pour que la nature fasse son travail de cicatrisation et augmente ainsi les chances d’un résultat positif attribuable au traitement, et donc d’en revendiquer les lauriers… D’autant qu’il est souvent demandé de même ne pas faire d’autres traitements rééducatifs pendant ce temps…

Il n’y a donc aucune justification à prodiguer ce conseil de mise au repos et de stopper les autres traitements. Au contraire, l’exercice physique est un (auto)traitement très efficace dans une multitude de problèmes de santé et est scientifiquement éprouvé… Il devrait donc plutôt être encouragé ! 🤸‍♀️⛹️‍♂️

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SOURCES :

  1. After Your Treatment – Osteodoc.com – Mark E. Rosen, Innesa Lagen, Alistair C. Moresi – Date de rédaction inconnue – Lu le 29/09/2019
  2. CYCL’OSTEO : Que faire après une séance d’ostéopathie ? – Pierre-Louis BILLANT – Rédigé le 29/09/2019 – Lu le 29/09/2019

Ces drapeaux nous en font voir de toutes les couleurs…

Les professionnels de santé se doivent d’évaluer un patient pour décider de la conduite à tenir. Cela peut concerner des facteurs biologiques, psychologiques, socio-économiques, professionnels ou pronostiques. [1]

Les drapeaux – Main C et al. « ABC of Psychological Medicine: Musculoskeletal Pain ». BMJ 2002

Drapeaux rouges (facteurs biologiques)

Pour faire court, ce sont les signes de pathologies “sérieuses”. On entends souvent en formation parler de signes de pathologie “graves” ou “funestes”. Il faut tout de suite modérer les propos : un drapeau rouge en orthopédie peut être une importante douleur à la suite d’une chute ; il faut alors contrôler la possible présence d’une fracture par une imagerie. Pourtant toutes les fractures n’engagent pas obligatoirement le pronostique vital du patient. Cependant il est à convenir qu’une fracture du tibia (os de la jambe) est potentiellement plus grave qu’une entorse de cheville de grade 1 (un ligament qui a juste été étiré un peu fort, mais sans rupture, mais qui fait mal pendant environ 3 semaines).

Ce sont donc les signes de pathologies qu’il vaut mieux ne pas louper.

En voici quelques exemples : [2]

  • Traumatisme important (Fracture ?)
  • Antécédent de cancer
  • Perte de poids importante, rapide et involontaire.
  • Signes neurologiques relatif à la queue de cheval ou de compression de moelle épinière.
  • Sensation d’anesthésie
  • Douleur nocturne incessante.
  • Incontinence urinaire et intestinale
  • Vertiges / Etourdissements
  • Nausées / Vomissements
  • Fièvre
  • Âge (en terme inférieur ou de supérieur selon les situations)
  • Signes cardiaques
  • Utilisation prolongée de corticostéroïdes.
  • En plein d’autres variables selon les contextes…
Photo by Paolo Bendandi on Unsplash

Posons un autre modérato : Un drapeau rouge n’est pas toujours réellement rouge.

En 2018, Premkumar et ses collaborateurs ont publié une revue rétrospective comptant 9 940 individus se présentant dans un centre de soins pour des douleurs en bas du dos. Ils ont trouvé que 92,6% des patients avaient au moins un signe de maladie sérieuse. En réalité, dans leur échantillon de population, seul 8,3% avaient réellement une pathologie sévère. Il semble aussi intéressant d’utiliser des combinaisons de drapeaux rouges. [6]

Ils ont conclu que bien qu’une réponse positive à une question du drapeau rouge puisse indiquer la présence d’une maladie grave, une réponse négative à une ou deux questions du drapeau rouge ne diminue pas de manière significative la probabilité de la présence de la pathologie. Il est donc recommandé aux cliniciens d’être prudents lorsqu’ils utilisent les questionnaires de drapeaux rouges comme outils de dépistage.

En 2019, Parreira et ses collaborateurs mettent en lumière que le nombre de drapeaux rouges approuvés dans les directives (guidelines) pour dépister les fractures dans les lombalgies a augmenté avec le temps. D’après eux, la plupart des recommandations ne seraient pas étayées par des recherches ni accompagnées de données d’exactitude diagnostique. [7]

Il s’agit donc de rester prudent avec ces signes…


Drapeaux oranges (facteurs psychiatriques) [2]

Se sont les affections psychiatriques qui vont avoir une répercussion sur le rétablissement :

  • Dépression
  • Troubles de la personnalité

Drapeaux jaunes (facteurs psychosociaux)

Ces drapeaux font référence aux facteurs de risque psychosociaux tels que des comportements, l’anxiété, les pensées, les croyances du patient et la compréhension de son état.

Photo by Oscar Sutton on Unsplash

Des exemples de drapeaux jaunes seraient : [2 ; 4]

  • Catastrophisme (imaginer le pire).
  • Pessimisme sur l’avenir.
  • Évoquer une douleur disproportionnée par rapport au problème de santé.
  • Penser que le travail, l’activité et le mouvement vont aggraver le problème / augmenter la douleur. Kinésiophobie (peur du mouvement).
  • Attendre que quelqu’un règlement le problème (attitude passive dans le traitement), errance médicale.

Parfois, les thérapeutes peuvent malheureusement induire ou renforcer ces pensées négatives vis-à-vis des patients. De fait, un thérapeute peut involontairement amener le patient à mal gérer son problème de santé. Cela peut venir du langage technique qu’il va employer (les mots scientifiques peuvent être effrayants pour certaines personnes). [5]

De même, certaines communications peuvent induire de l’angoisse et du pessimisme. C’est notamment le cas des “FakeNews” (fausses informations) et des propos énoncés par les praticiens de “FakeMeds” (fausses médecines ou à faible niveau de preuve d’efficacité).


Drapeaux bleus (facteurs sociaux et économiques) [2]

Ce sont les conditions du milieu de travail et les répercussions parfois imaginées du travail sur la santé, pouvant nuire à la récupération :

  • Inquiétudes sur le fait d’être capable de répondre aux exigences du travail.
  • Faible satisfaction au travail
  • Absence de soutien au travail
  • Trouver le travail stressant
  • Les attitudes négatives des autres envers le travailleur malade.
  • Mauvaises relations avec les collègues et / ou l’employeur.

Drapeaux noirs (facteurs occupationnels / conditions de travail) [2]

Ces drapeaux relèvent aussi des problèmes dans le milieu professionnel mais essentiellement en termes legals et organisationnels au sein de l’entreprise vis à vis du patient, ou qui peuvent perturber le bon retour au travail, comme :

  • les entraves légales au retour au travail
  • politiques sociales
  • les problèmes de remplacement ou d’adaptation du poste.
  • les problèmes financiers et procédures liées aux assurances.
  • l’isolement

Drapeaux roses (facteurs de pronostic) [3]

Ce sont des drapeaux positifs et, de fait, ils sont plutôt “cools” ! 😎

Ils font référence aux facteurs de bon pronostique, prédisants un résultat positif. Bref, aux marques d’optimisme du patient telles que :

  • Avoir peu de peur.
  • Penser que continuer à travailler et à mener des activités normales contribue au rétablissement.
  • Espérer que le fait d’être actif conduira éventuellement à une récupération plus rapide même si des ré-haussements de douleur peuvent survenir transitoirement.
  • Se projeter dans le fait d’aller prochainement mieux et de retourner à toutes les activités précédentes.
  • Croire que la douleur est tout à fait gérable et contrôlable.
  • Souhaiter être acteur de son propre rétablissement et de ne pas dépendre de la gestion médicale
  • Admettre qu’il n’existe pas de solution (ou pilule / potion) magique.
  • Comprendre que la douleur ne correspond pas assurément à un dommage tissulaire.
Photo by Emmanuel on Unsplash

L’idéal pour Gifford, serait de prendre les drapeaux jaunes, et amener le patient à les “peindre” en rose. 💗


SOURCES

  1. Main, C. J. « ABC of Psychological Medicine: Musculoskeletal Pain ». BMJ 325, no 7363 (7 septembre 2002): 534‑37. [SITE WEB]
  2. Physiopedia : The flag system – vu le 08/09/2019 – [SITE WEB PHYSIOPEDIA]
  3. Gifford L S 2005 Editorial: Now for Pink Flags! PPA News 22: 3-4 [PDF]
  4. New Zealand Guidelines Group. « New Zealand Acute Low Back Pain Guide ; incorporating the Guide to Assessing Psychosocial Yellow Flags in Acute Low Back Paint », 2004, [PDF]
  5. Breedt E. « Yellow Flag Therapist », 04/06/2018 – vu le 08/09/2019 – [SITE PAINCLOUD.COM] (traduction en français sur le BLOG DE KOBUS)
  6. Premkumar, Ajay, William Godfrey, Michael B. Gottschalk, et Scott D. Boden. « Red Flags for Low Back Pain Are Not Always Really Red: A Prospective Evaluation of the Clinical Utility of Commonly Used Screening Questions for Low Back Pain ». The Journal of Bone and Joint Surgery 100, no 5 (mars 2018). [SITE WEB]
  7. Parreira, Patricia C S, Christopher G Maher, Adrian C Traeger, Mark J Hancock, Aron Downie, Bart W Koes, et Manuela L Ferreira. « Evaluation of Guideline-Endorsed Red Flags to Screen for Fracture in Patients Presenting with Low Back Pain ». British Journal of Sports Medicine 53, no 10 (mai 2019. [SITE WEB]